Solane, en tant qu’humain des pôles, possède de nombreuses spécificités, à commencer par sa peau blanchie par le rude climat de la région. Comme son lieu d’habitation l’indique, l’élément qu’il utilise est la glace, et son corps entier en est remplie, de telle façon que de l’azote liquide coule dans ses veines. Pour autant, son corps n’est pas froid et sa température interne est régulée par son cœur, un intense noyau magmatique. Il possède certaines cicatrices sur le visage mais sa plus grande mutilation se situe au niveau de son œil gauche, absent et remplacé par une machine lui offrant une vue artificielle basée sur la chaleur. Ses cheveux, argentés, sont une prédisposition physique propre à sa race, en revanche son œil valide est bien plus bleu qu’il ne devrait l’être. Cela est dû au système nerveux qui relie sa machine à son cerveau et qui fait passer l’azote dans des veines artificielles. Il lui arrive de dégager de la fumée froide, similaire à de la vapeur, lorsqu’il fait un mouvement de corps trop brusque. Ses habits sont tout simplement la tenue royale de son peuple, qu’il ne quitte jamais, même par forte chaleur. Puisque chacun de ses pas génère du verglas sous ses pieds, Solane a pris l’habitude de faire du patin avec la pointe de ses pieds ou de se déplacer en faisant de petits sauts. La glace noire qu’il est capable de matérialiser peut prendre de très nombreuses formes, toutes plus dangereuses les unes que les autres.

D’un tempérament naturellement calme et réfléchi, Solane n’est pas quelqu’un que l’on peut mettre en colère. On pourrait même le considérer distant sur certains abords, mais cela traduit plus d’un troublant mélange d’émotions que d’une vraie asociabilité. Le fait étant qu’il aime profondément Peach, d’un amour sincère, et qu’il est capable de lui montrer en toute circonstance. Longtemps considéré comme un fin stratège, capable de rivaliser avec de puissants seigneurs de guerre, Solane n’aime pas la violence et préfère éviter le conflit. On juge bien souvent à tort le roi lorsque l’on pense qu’il est cinglant ou désintéressé vis-à-vis de situations qui ne doivent pas l’être, mais il résulte en vérité de problèmes bien plus profonds que cela. Solane perçoit ses priorités différemment de celles des gens, ce qui attire bien souvent le courroux des autorités compétentes que représentent les ministres. Cependant sa parole, bien souvent absolue, fait taire les dissidents. L’homme porte autour de son cou un pendentif fétiche en forme de fleur contenant une photo de sa fille emportée par le syndrome de Midas. Pour qui le connaît intimement, Solane attache beaucoup d’importance au passé et sa façade de souverain bienveillant cache les larmes gelées liées à la perte de sa seule famille.

Solane maîtrise un inquiétant phénomène nommé Blackfrost, le gel corrompu. Il s’agit d’une mystérieuse glace que même la lave d’un volcan ne peut faire fondre. Ce givre, noir comme l’espace, serait corrompu par des radiations similaires à celles de l’étoile noire et peut prendre n’importe quelle forme, tant que Solane connaît le mode opératoire nécessaire à la création de la géométrie. Tantôt poudreux, tantôt dur comme un glacier, le Blackfrost est un phénomène qui ne touche qu’un humain des pôles sur des millions et est généralement le facteur créant le renversement d’une dynastie, c’est-à-dire que si deux détenteurs de gel corrompu venaient à s’affronter, le gagnant deviendrait le nouveau roi du pays. Jusqu’ici, cela ne s’est jamais produit, tant le phénomène est rare. On dénote malgré tout de nombreux conflits internes, tel que l’exode du quatrième roi qui, dans un élan de paranoïa, fit exécuter des dizaines de milliers de nouveaux nés pour empêcher l’émergence d’un nouveau Blackfrost. Le destin lié au gel corrompu est aussi cruel que ses nombreux propriétaires, cependant Solane maîtrise son pouvoir et ne cède nullement à la malédiction. Tout du moins, c’est ce dont il essaie de se convaincre tous les jours.

Le vent du nord apporte dans sa traversée des pôles bien des légendes. Pour quiconque savait tendre l’oreille, il était possible de déchiffrer au son des branches craquantes les merveilleux récits d’outre-monde, comme on aimait à appeler le centre de la planète par ces terres isolées où régnait le froid et la nuit. L’une de ces poignantes histoires concerne les pérégrinations d’un spectre de blanc vêtu, dont la pâle couronne résonnait au rythme d’une mystérieuse fleur d’Or. Le zéphyr, bavard, racontait non sans une pointe de sentiment les ravages de la guerre de Jadis qui sépara deux peuples et condamna une déesse. Mais on entendait d’autres échos par-delà les montagnes, tel que celui de la naissance d’une petite fille aux cheveux plus radieux que le soleil lui-même, une denrée bien rare sur ces hauts sommets frôlant les étoiles.
Ce que le vent murmurait parvenait quelques fois aux oreilles d’un roi au visage défiguré par les conflits qui, au sommet de son palais de glace, observait les habiles mouvements de sa douce enfant, seule âme vivante dans ces enceintes reculées. Le fantôme de la petite fille naviguait de cour en cour, jouant parfois avec la neige, d’autres fois avec les rares animaux qui osaient pénétrer le palais. Elle aussi avec des cheveux ensoleillés. Le roi sourit. Sa vision se brouilla. Il porta sa main contre ses tempes et se courba contre la rembarde qui le maintenait jusqu’alors face à la mort. A mesure que sa migraine prenait de l’ampleur, la silhouette de l’enfant se ternissait, disparaissant au gré des aurores boréales. Alors le blizzard se levait, coupant le discours du vent et étouffant par heurts fracassants, révélant le véritable visage du palais qui n’était plus que vestige et glace corrompus. Là, au sommet de cette montagne, d’immenses glaciers noircis par le chaos avaient recouvert la ville et détruit les bâtiments. Depuis combien d’années maintenant le royaume avait-il péri face au gel corrompu ?

Depuis combien d'années ses larmes azotées perlaient sur ses joues meurtries ? Quand ses excroissances gelées avaient-elles percé son corps ?

Depuis combien d’années se tenait-il debout, seul contre la nature, face à la destruction créatrice que son chagrin avait engendrée ?

Ce royaume, si lointain soit-il, perdu entre les pôles que les cartographes nomment « Hexamonde », possédait lui aussi, envers et contre toutes croyances, sa fleur d’Or. Une fleur qui, comme toutes celles destinées à percer la terre et la neige, donna naissance à l’une de ces mystérieuses demoiselles aux reflets solaires. Une fleur qui, au contact du gel corrompu, fana et emporta avec elle son cadeau, réduisant à la plus minimaliste forme un royaume que le blizzard fou d’un roi désespéré acheva telle la lance d’une déité.

Le vent du nord apporte dans sa traversée des pôles bien des légendes. Il murmurait aux squelettes emprisonnés dans la glace l’exil d’un roi qui n’avait pu composer entre son cœur et son instinct. Pour quiconque sait tendre l’oreille, le son des branches craquantes évoquait l’entreprise folle de raviver le somptueux éclat de la fleur condamnée. Les pas dans la neige, alourdis par le poids de la culpabilité, répandaient la rumeur d’une idée. D’une folie passagère.

D’un amour mû d’une volonté désespérée. Et le royaume, selon les promesses du zéphyr, renaîtrait.